JEAN JACQUES ROUSSEAU
REPONSE
AU ROI DE POLOGNE DUC DE LORRAINE,
OU OBSERVATIONS DE JEAN-JACQUES ROUSSEAU,
Sur la Réponse qui a été faite à son Discours. [Auguste Stanislas]
[1751, septembre/octobre, Paris.; le Pléiade édition, t. III, pp. 35-57. 1781 == Du Peyrou/Moultou 1780-89 quarto édition, t. VII, pp. 81-114. Melanges t. II (1781)]
OBSERVATIONS
DE JEAN-JACQUES ROUSSEAU,
DE GENEVE.
Sur la Réponse
qui été faite
à son Discours.
Je devrois plutôt un remercîment qu’une replique à l’Auteur Anonyme,* [*L’Ouvrage du Roi de Pologne étant d’abord anonyme & non avoue par l’Auteur, m’obligeoit à lui laisser l’incognito qu’il avoit pris; mais ce Prince, ayant depuis reconnu publiquement ce même Ouvrage, m’a dispense de taire plus long-tems l’honneur qu’il m’a fait. [L’ouvrage du Roi de Pologne sera imprime dans le premier Volume du supplément, au recueil des Ecrits de M. Rousseau]] qui vient d’honorer mon Discours d’une Réponse. Mais ce que je dois à la reconnoissance ne me sera point oublier ce que je dois à la vérité; & je n’oublierai pas, non plus, que toutes les fois qu’il est question de raison, les hommes rentrent dans le droit de la Nature, & reprennent leur premiere égalité.
Le Discours auquel j’ai a répliquer est plein de choses très-vraies & très-bien prouvées, auxquelles je ne vois aucune Réponse: car quoique j’y sois qualifie de Docteur, je serois bien faché d’être au nombre de ceux qui savent à tout.
Ma défense n’en sera pas moins facile: Elle se bornera à comparer avec mon sentiment les vérités qu’on m’objecte; car [84] si je prouve qu’elles ne l’attaquent point, ce sera, je crois; l’avoir assez bien défendu.
Je puis réduire à deux points principaux, toutes les Propositions établies par mon Adversaire; l’un renferme l’éloge des Sciences; l’autre traite de leur abus le les examinerai séparément.
Il semble au ton de la Réponse, qu’on seroit bien aise que j’eusse dit des Sciences beaucoup plus de mal que je n’en ai dit en effet. On y suppose que leur éloge qui se trouve à la tête de mon Discours, a du me coûter beaucoup; c’est, selon l’Auteur, un aveu arrache à la vérité & que je n’ai pas tarde à rétracter.
Si cet aveu est un éloge arrache par la vérité, il faut donc croire que je pensois des Sciences le bien que j’en ai dit; le bien que l’Auteur en dit lui-même n’est donc point contraire à mon sentiment. Cet aveu, dit-on, est arrache par force tant mieux pour ma cause; car cela montre que la vérité est chez moi plus forte que le penchant. Mais sur quoi peut-on juger que cet éloge est force? Seroit-ce pour être mal fait? ce seroit. intenter un procès bien terrible à la sincérité des Auteurs, que d’en juger sur ce nouveau principe. Seroit-ce pour être trop court? Il me semble que j’aurois pu facilement dire moins de choses en plus de pages. C’est, dit-on, que je me suis rétracte; j’ignore en quel endroit j’ai fait cette faute; & tout ce que je puis répondre, c’est que ce n’a pas été mon intention.
La Science est très-bonne en soi, cela est évident; & il faudroit avoir renonce au bon sens, pour dire le contraire. L’Auteur de toutes choses est la source de la vérité; tout connoître [85] est un de ses divins attributs. C’est donc participer en quelque sorte à la suprême intelligence, que d’acquérir des connoissances & d’étendre ses lumieres. En ce sens j’ai loue le savoir, & c’est en ce sens que le loue mon Adversaire. Il s’étend encore sur les divers genres d’utilité que l’Homme peut retirer des Arts & des Sciences; & j’en aurois volontiers dit autant, si cela eut été de mon sujet. Ainsi nous sommes parfaitement d’accord en ce point.
Mais comment se peut-il faire, que les Sciences dont la source est si pure & la fin si louable, engendrent tant d’impiétés, tant d’hérésies, tant d’erreurs, tant de systèmes absurdes, tant de contrariétés, tant d’inepties, tant de Satires ameres, tant de misérables Romans, tant de Vers licencieux, tant de Livres obscènes; & dans ceux qui les cultivent, tant d’orgueil, tant d’avarice, tant de malignité, tant de cabales, tant de jalousies, tant de mensonges, tant de noirceurs, tant de calomnies, tant de lâches & honteuses flatteries? Je disois que c’est parce que la Science toute belle, toute sublime qu’elle est, n’est point faite pour l’homme; qu’il a l’esprit trop borne pour y faire de grands progrès, & trop de passions dans le cœur pour n’en pas faire un mauvais usage; que c’est assez pour lui de bien étudier ses devoirs, & que chacun a reçu toutes les lumieres dont il a besoin pour cette étude. Mon Adversaire avoue de son cote que les Sciences deviennent nuisibles quand on en abuse, & que plusieurs en abusent en effet. En cela, nous ne disons pas, je crois, des choses fort différentes; j’ajoute, il est vrai, qu’on en abuse beaucoup, & qu’on en abuse toujours, & il ne me semble pas que dans la Réponse on ait soutenu le contraire.
[86] Je peux donc assurer que nos principes, & par conséquent, toutes les propositions qu’on en peut déduire n’ont rien d’oppose, & c’est ce que j’avois à prouver. Cependant, quand nous venons à conclure, nos deux conclusions se trouvent contraires. La mienne etoit que, puisque les Sciences sont plus de mal aux mœurs que de bien à la société, il eut été à désirer que les hommes s’y fussent livres avec moins d’ardeur. Celle de mon Adversaire est que, quoique les Sciences fassent beaucoup de mal, il ne faut pas lasser de les cultiver à cause du bien qu’elles font. Je m’en rapporte, non au Public, mais au petit nombre des vrais Philosophes, sur celle qu’il faut préférer de ces deux conclusions.
Il me reste de légères Observations à faire, quelques endroits de cette Réponse, qui m’ont paru manquer un peu de la justesse que j’admire volontiers dans les autres, & qui ont pu contribuer par-la à l’erreur de la conséquence que l’Auteur en tire.
L’ouvrage commence par quelques personnalités que je ne relèverai qu’autant qu’elles seront à la question. L’Auteur m’honore de plusieurs éloges, & c’est assurément m’ouvrir une belle carrière. Mais il y a trop peu de proportion entre ces choses: un silence respectueux sur les objets de notre admiration, est souvent plus convenable, que des louanges indiscrètes.* [*Tous les Princes, bons & mauvais, seront toujours bassement & indifféremment loues, tant qu’il y aura des Courtisans & des Gens de Lettres. Quant aux Princes qui sont de grands Hommes, il leur faut des éloges plus modernes & mieux choisis. La flatterie offense leur vertu, & la louange même peut faire tort à leur gloire. Je fais bien, du moins, que Trajan seroit beaucoup plus grand à mes yeux, si Pline n’eut jamais écrit. Si Alexandre eut été en effet ce qu’il affectoit de paroître, il n’eut point songe à son portrait ni à sa statue; mais pour son Panégyrique, il n’eut permis qu’a un Lacédémonien de le faire, au risque de n’en point avoir. Le seul éloge digne d’un Roi, est celui qui se fait entendre, non par la bouche mercenaire d’un Orateur, mais par la voix d’un Peuple libre. Pour que je prisse plaisir à vos louanges, disoit l’Empereur Julien à des Courtisans qui vantoient sa justice, il faudroit que vous osassiez dire le contraire, s’ils etoit vrai.]
[87] Mon discours, dit-on, a de quoi surprendre;* [*C’est de la question même qu’on pourroit être surpris: grande & belle question s’il en fut jamais, & qui pourra bien n’être pas si-tôt renouvelée. L’Académie Françoise vient de proposer pour le prix d’éloquence de l’année 1752, un sujet fort semblable à celui-là. Il s’agit de soutenir que l’Amour des Lettres inspire l’amour de la la vertu. L’Académie n’a pas juge à de laisser un tel sujet en problème; & cette sage Compagnie a double dans cette occasion le tems qu’elle accordoit ci-devant aux Auteurs, même pour les sujets les plus difficiles.] il me semble que ceci demanderoit quelque éclaircissement. On est encore surpris de le voir couronne; ce n’est pourtant pas un prodige de voir couronner de médiocres ecrits. Dans tout autre sens cette surprise seroit aussi honorable à l’Académie de Dijon, qu’injurieuse à l’intégrité des Académies en général; & il est aise de sentir combien j’en serois le profit de ma cause.
On me taxe par des phrases fort agréablement arrangées de contradiction entre ma conduite & ma doctrine; on me reproche d’avoir cultive moi-même les études que je condamne;* [*Je ne saurois me justifier, comme bien d’autres, sur ce que notre éducation ne dépend point de nous, & qu’on ne nous consulte pas pour nous empoisonner: c’est de très-bon gré que je me suis jette dans l’étude; & c’est de meilleur cœur encore que je l’ai abandonnée, en m’appercevant du trouble qu’elle jettoit dans mon ame sans aucun profit pour ma raison. Je ne veux plus d’un métier trompeur, ou l’on croit beaucoup faire pour la sagesse, en faisant tout pour la vanité.] puisque la Science & la Vertu sont incompatibles, [88] comme on prétend que je m’efforce de le prouver, on me demande d’un ton assez pressant comment j’ose employer l’une en me déclarant pour l’autre.
Il y a beaucoup d’adresse à m’impliquer ainsi moi-même dans la question; cette personnalité ne peut manquer de jetter de l’embarras dans ma Réponse, ou plutôt dans mes Réponses; car malheureusement j’en ai plus d’une à faire. Tachons du moins que la justesse y supplée à l’agrément.
1. Que la culture des Sciences corrompe les.moeurs d’une nation, c’est ce que j’ai ose soutenir, c’est ce que j’ose croire avoir prouve. Mais comment aurois-je pu dire que dans chaque Homme en particulier la Science & la Vertu sont incompatibles, moi qui ai exhorte les Princes à appeller les vrais Savans à leur Cour, & à leur donner leur confiance, afin qu’on voye une fois ce que peuvent la Science & la Vertu réunies pour le bonheur du genre-humain? Ces vrais Savans sont en péril nombre, je l’avoue; car pour bien user de la Science, il faut réunir de grands talens & de grandes Vertus; or c’est ce qu’on peut espérer de quelques ames privilégiées, mais qu’on ne doit point attendre de tout un peuple. On ne sauroit donc conclure de mes principes qu’un homme ne puisse être savant & vertueux tout à la fois.
2. On pourroit encore moins me presser personnellement par cette prétendue contradiction, quand même elle existeroit réellement. J’adore la Vertu, mon cœur me rend ce témoignage; il me dit trop aussi, combien il y a loin de cet amour à la pratique qui fait l’homme vertueux; d’ailleurs, je suis fort éloigner d’avoir de la Science, & plus encore d’en affecter. J’aurois [89] cru que l’aveu ingénu que j’ai fait au commencement de mon discours me garantiroit de cette imputation, je craignois bien plutôt qu’on ne m’accusât de juger des choses que je ne connoissois pas. On sent assez combien il m’etoit impossible d’éviter à la fois ces deux reproches. Que sais-je même, si l’on n’en viendroit point à les réunir, si je ne me hâtois de passer condamnation sur celui-ci, quelque peu mérite qu’il puisse être?
3. Je pourrois rapporter à ce sujet, ce que disoient les Peres de l’Eglise des Sciences mondaines qu’ils meprisoient, & dont pourtant ils se servoient pour combattre les Philosophes Païens. Je pourrois citer la comparaison qu’ils en faisoient avec les vases des Egyptiens voles par les Israélites: mais je me contenterai pour derniere Réponse, de proposer cette question: si quelqu’un venoit pour me tuer & que j’eusse le bonheur de me saisir de son arme, me seroit-il défendu, avant que de la jetter, de m’en servir pour le chasser de chez moi?
Si la contradiction qu’on me reproche n’existe pas, il n’est donc pas nécessaire de supposer que je n’ai voulu que m’égayer sur un frivole paradoxe; & cela me paroit d’autant moins nécessaire, que le ton que j’ai pris, quelque mauvais qu’il puisse être, n’est pas du moins celui qu’on emploie dans les jeux d’esprit.
Il est tems de finir sur ce qui me regarde: on ne gagne jamais rien à parler de soi; & c’est une indiscrétion que le Public pardonne difficilement, même quand on y est force. La vérité est si indépendante de ceux qui l’attaquent & de ceux [90] qui la défendent, que les Auteurs qui en disputent devroient bien s’oublier réciproquement; cela épargneroit beau. coup de papier & d’encre. Mais cette regle si aisée à pratiquer avec moi, ne l’est point du tout vis-à-vis de mon Adversaire; & c’est une différence qui n’est pas a l’avantage de ma replique.
L’Auteur observant que j’attaque les Sciences & les Arts, par leurs effets sur les mœurs, emploie pour me répondre le dénombrement des utilités qu’on en retire dans tous les etats; c’est comme si, pour justifier un accuse, on se contentoit de prouver qu’il se porte fort bien, qu’il a beaucoup d’habileté, ou qu’il est fort riche. Pourvu qu’on m’accorde que les Arts & les Sciences nous rendent malhonnêtes gens, je ne disconviendrai pas qu’ils ne nous soient d’ailleurs très-commodes; c’est une conformité de plus qu’ils auront avec la plupart des vices.
L’Auteur va plus loin, & prétend encore que l’étude nous est nécessaire pour admirer les beautés de l’Univers, & que le spectacle de la nature, expose, ce semble, aux yeux de tous pour l’instruction des simples, exige lui-même beaucoup d’instruction dans les Observateurs pour en être apperçu. J’avoue que cette proposition me surprend: seroit-ce qu’il est ordonne à tous les hommes d’être Philosophes, ou qu’il n’est ordonne qu’aux seuls Philosophes de croire en Dieu? L’Ecriture nous exhorte en mille endroits d’adorer la grandeur & la bonté de Dieu dans les merveilles de ses œuvres; je ne pense pas qu’elle nous ait prescrit nulle part d’étudier la Physique, ni que l’Auteur de la Nature soit moins bien [91] adore par moi qui ne sais rien, que par celui qui connoît & le cèdre, & l’hysope, & la trompe de la mouche, & celle de l’éléphant: Non enim nos Deus ista scire, sed tantummodo uti voluit.
On croit toujours avoir dit ce que sont les Sciences, quand on a dit ce qu’elles devroient faire. Cela me paroit pourtant fort différent: l’étude de, l’Univers devroit élever l’homme à son Créateur, je le sais; mais elle n’élevé que la vanité humaine. Le Philosophe, qui se flatte de pénétrer dans les secrets de Dieu, ose associer sa prétendue sagesse à la sagesse éternelle: il approuve, il blâme, il corrige, il prescrit des loix à la nature, & des bornes à la divinité: & tandis qu’occupe de ses vains systèmes, il se donne mille peines pour arranger la machine du monde, le Laboureur qui voit la pluie & le soleil tour à tour fertiliser son champ, admire, loue & bénit la main dont il reçoit ces graces, sans se mêler de la maniere dont elles lui parviennent. Il ne cherche point à justifier son ignorance ou ses vices par son incrédulité. Il ne censure point les œuvres de Dieu, & ne s’attaque point à son maître pour faire briller sa suffisance. Jamais le mot impie d’Alphonse X, ne tombera dans l’esprit d’un homme vulgaire: c’est à une bouche savante que ce blasphème etoit réservé. Tandis que la savante Grece etoit pleine d’Athées, Elien remarquoit* [*Var. Hist. L. 2.c.31.] que jamais Barbare n’avoit mis en doute l’existence de la divinité. Nous pouvons remarquer de même aujourd’hui qu’il n’y a dans toute l’Asie qu’un seul Peuple [92] Lettre, que plus de la moitié de ce Peuple est Athée, & que c’est la seule nation de l’Asie ou l’Athéisme soit connu.
La curiosité naturelle à l’homme, continue-t-on, lui inspire l’envie d’apprendre. Il devroit donc travailler à la contenir, comme tous ses penchans naturels. Ses besoins lui en sont sentir la nécessité. A bien des égards les connoissances sont utiles; cependant les Sauvages sont des hommes, & ne sentent point cette nécessité-là. Ses emplois lui en imposent l’obligation. Ils lui imposent bien plus souvent celle de renoncer à l’étude pour vaquer à ses devoirs.* [*C’est une mauvaise marque pour une société, qu’il faille tant de Science dans ceux qui la conduisent, si les hommes etoient ce qu’ils doivent être, ils n’auroient gueres besoin, d’étudier pour apprendre les choses qu’ils ont à faire. Au reste, Ciceron lui-même qui, dit Montagne, "devoit au savoir tout son vaillant; reprend aucuns de ses amis, d’avoir accoutume de mettre à l’Astrologie, au Droit, à la Dialectique & à la Géométrie plus de à tems que ne méritoient ces Arts, & que cela les divertissoit des devoirs de la vie plus utiles & honestes." Il me semble que dans cette cause commune, les Savans devroient mieux s’entendre entr’eux, & donner au moins des raisons sur lesquelles eux mêmes fussent d’accord.] Ses progrès lui en sont goûter le plaisir. C’est pour c’est même qu’il devroit s’en défier. Ses premieres découvertes augmentent l’avidité qu’il a de savoir. Cela arrive en effet à ceux qui ont du talent. Plus il connoît, plus il sent qu’il a de connoissances à acquérir; c’est-à-dire, que l’usage de tout le tems qu’il perd, est de l’exciter à en perdre encore davantage: mais il n’y a gueres qu’un petit nombre d’hommes de génie en qui la vue de leur ignorance se développé en apprenant, & c’est pour eux seulement que l’étude peut être bonne: à peine les petits [93] ont-ils appris quelque chose qu’ils croient tout savoir, & il n’y a forte de sottise que cette persuasion ne leur fasse dire & faire. Plus il a de connoissances acquises, plus il a de facilite à bien faire. On voit qu’en parlant ainsi l’Auteur a bien plus consulte son cœur qu’il n’a observe les hommes.
Il avance encore, qu’il est bon de connoître le mal pour apprendre à le fuir; & il fait qu’on ne peut s’assurer de sa vertu qu’après l’avoir mise à l’épreuve. Ces maximes sont au moins douteuses & sujettes à bien des discussions. Il n’est pas certain que pour apprendre à bien faire, on soit oblige de savoir en combien de manieres on peut faire le mal. Nous avons un guide intérieur, bien plus infaillible que tous les livres, & qui ne nous abandonne jamais dans le besoin. C’en seroit assez pour nous conduire innocemment, si nous voulions l’écouter toujours; & comment seroit-on oblige d’éprouver ses forces pour s’assurer de sa vertu, si c’est un des exercices de la vertu de fuir les occasions du vice?
L’homme sage est continuellement fur ses gardes, & se défie toujours de ses propres forces: il réserve tout son courage pour le besoin, & ne s’expose jamais mal-à-propos. Le fanfaron est celui qui se vante sans cesse de plus qu’il ne peut faire, & qui, après avoir brave & insulte tout le monde, se laisse battre à la premiere rencontre. Je demande lequel de ces deux portraits ressemble le mieux à un Philosophe aux prises avec ses passions.
On me reproche d’avoir affecte de prendre chez les Anciens mes exemples de vertu. Il y a bien de l’apparence que j’en aurois trouve encore davantage, si j’avois pu remonter plus [94] haut; j’ai cite aussi un peuple moderne, & ce l’est pas ma faute, si je n’en ai trouve qu’un. On me reproche encore dans une maxime générale des parallèles odieux, ou. il entre, dit-on, moins de zele & d’équité que d’envie contre mes compatriotes & d’humeur contre mes contemporains. Cependant, personne, peut-être, n’aime autant que moi son pays & ses compatriotes. Au surplus, je n’ai qu’un mot à répondre. J’ai dit mes raisons & ce sont elles qu’il faut peser. Quant à mes intentions, il en faut laisser le jugement celui-là seul auquel il appartient.
Je ne dois point passer ici sous silence une objection considérable qui m’a déjà été faite par un Philosophe:* [*Pref. de l’Encycl.] N’est-ce point, me dit-on ici, au climat, au tempérament, au manque d’occasion, au défaut d’objet, à l’économie du gouvernement, aux Coutumes, aux Loix, à toute autre cause qu’aux Sciences qu’on doit attribuer cette différence qu’on remarque quelquefois dans les mœurs en différens pays & en différens tems?
Cette question renferme de grandes vues & demanderoit des eclaircissemens trop étendus pour convenir à cet écrit D’ailleurs, il s’agiroit d’examiner les relations très-cachées, mais très-réelles qui se trouvent entre la nature du gouvernement, & le génie, les mœurs & les connoissances des citoyens; & ceci me jetteroit dans des discussions délicates, qui me pourroient mener trop loin. De plus, il me seroit bien difficile de parler de gouvernement, sans donner trop beau jeu à mon [95] Adversaire, & tout bien pèse, ce sont des recherches bonnes à faire à Geneve, & dans d’autres circonstances.
Je passe à une accusation bien plus grave que l’objection précédente. Je la transcrirai dans ses propres termes; car il est important de la mettre fidèlement sous les yeux du Lecteur.
Plus le Chrétien examine l’authenticité de ses Titres, plus il se rassure dans la possession de sa croyance; plus il étudie la révélation, plus il se sortisie dans la foi: C’est dans les divines Ecritures qu’il en découvre l’origine & l’excellence; c’est dans les doctes ecrits des Peres de l’Eglise qu’il en en suit de siele en siecle le développement; c’est dans les Livres de morale & les annales saintes, qu’il en voit les exemples & qu’il s’en fait l’application.
Quoi! l’ignorance enlèvera à la Religion & à la vertu des appuis si puissans! & ce sera à elle qu’un Docteur de Geneve enseignera hautement qu’on doit l’irrégularité des mœurs! On s’étonneroit davantage d’entendre un si étrange paradoxe, si on ne savoit que la singularité d’un système, quelque dangereux qu’il soit, n’est qu’une raison de plus pour qui n’a pour regle que l’esprit particulier.
J’ose le demander à l’Auteur; comment a-t-il pu jamais donner une pareille interprétation aux principes que j’ai établis? Comment a-t-il pu m’accuser de blâmer l’étude de la Religion, moi qui blâme sur-tout l’étude de nos vaines Sciences, parce qu’elle nous détourne de celle de nos devoirs? & qu’est-ce que l’étude des devoirs du Chrétien, sinon celle de sa Religion même.
Sans doute j’aurois du blâmer expressément toutes ces puériles [96] subtilités de la Scholastique, avec lesquelles, sous prétexte d’éclaircir les principes de la Religion, on en anéantit l’esprit en substituant l’orgueil scientifique à l’humilité chrétienne. J’aurois du m’élever avec plus de force contre ces Ministres indiscrets, qui les premiers ont ose porter les mains à l’Arche, pour étayer avec leur foible savoir un édifice soutenu par la main de Dieu. J’aurois du m’indigner contre ces hommes frivoles, qui par leurs misérables pointilleries, ont avili la sublime simplicité de l’Evangile, & réduit en syllogismes la doctrine de Jésus-Christ. Mais il s’agit aujourd’hui de nie défendre, & non d’attaquer.
Je vois que c’est par l’histoire & les faits qu’il faudroit terminer cette dispute. Si je savois exposer en peu de mots ce que les Sciences & la Religion ont eu de commun des le commencement, peut-être cela serviroit-il a décider la question sur ce point.
Le Peuple que Dieu s’etoit choisi, n’a jamais cultive les Sciences, & on ne lui en a jamais conseille l’étude; cependant, si cette étude etoit bonne à quelque chose, il en auroit eu plus besoin qu’un autre. Au contraire, ses Chefs firent toujours leurs efforts pour le tenir sépare autant qu’il etoit possible des Nations idolâtres & savantes qui l’environnoient. Précaution moins nécessaire pour lui d’un cote que de l’autre; car ce Peuple foible & grossier, etoit bien plus aise à séduire par les fourberies des Prêtres de Baal, que par les sophismes Philosophes.
Après des dispersions fréquentes parmi les Egyptiens & les Grecs, la Science eut encore mile peines à germer dans les [97] des Hébreux, Joseph & Philon, qui par-tout ailleurs n’auroient été que deux hommes médiocres, furent des prodiges parmi eux. Les Saducéens, reconnoissables à leur irréligion, furent les Philosophes de Jérusalem; les Pharisiens, grands hypocrites, en furent les Docteurs.* [*On voyoit régner entre ces deux partis, cette haine & ce mépris réciproque qui régnerent de tout tems entre les Docteurs & les Philosophies; c’est-à-dire, entre ceux qui font de leur tête un répertoire de la Science d’autrui, & ceux qui se piquent d’en avoir une à eux. Mettez aux prises le maître de musique & le maître à danser du Bourgeois Gentilhomme, vous aurez l’antiquaire & le bel esprit, le Chymille & l’Homme de Lettres; le Jurisconsulte & le Médecin; le Géometre & le Versificateur: le Théologien & le Philosophe; pour bien juger de tous ces Gens-là, il suffit de s’en rapporter à eux-mêmes, & d’écouter ce que chacun vous dit, non de soi, mais des autres.] Ceux-ci, quoi qu’ils bornassent à peu près leur Science à l’étude de la Loi, faisoient cette étude avec tout le faste & toute la suffisance dogmatique; ils observoient aussi aveu un grande soin toutes les pratiques de la Religion; mais l’Evangile nous apprend l’esprit de cette exactitude, & le cas qu’il en faloit faire: au surplus, ils avoient tous très-peu de Science & beaucoup d’orgueil; & ce n’est pas en cela qu’ils différoient le plus de nos Docteurs d’aujourd’hui.
Dans l’établissement de la nouvelle Loi, ce ne fut point à des Savans que Jésus-Christ voulut confier sa doctrine & son ministère. Il suivit dans son choix la prédilection qu’il a montrée en toute occasion pour les petits & les simples. Et dans les instructions qu’il donnoit à ses disciples, on ne voit pas mot d’étude ni de Science, si ce n’est pour marquer le mépris qu’il faisoit de tout cela. [98] Après la mort de Jésus-Christ, douze pauvres pêcheurs & artisans entreprirent d’instruire & de convertir le monde, Leur méthode croit simple; ils préchoient sans art, mais avec un cœur pénètre, & de tous les miracles dont Dieu honoroit leur foi; le plus frappant croit la sainteté de leur vie; leurs disciples suivirent cet exemple, & le succès fut prodigieux. Les Prêtres Païens alarmes firent entendre aux Princes que l’etat etoit perdu parce que les offrandes diminuoient. Les perfections s’éleverent, & les persécuteurs ne firent qu’accélérer les progrès de cette Religion qu’ils vouloient étouffer. Tous les Chrétiens couroient au martyre, tous les Peuples couroient au baptême: l’histoire de ces premiers tems est un prodige continuel.
Cependant les Prêtres des idoles, non contens de persécuter les Chrétiens, se mirent à les calomnier; les l’Philosophes, qui ne trouvoient pas leur compte dans une Religion qui prêche l’humilité, se joignirent à leurs Prêtres. Les simples se faisoient Chrétiens, il est vrai; mais, les savans se moquoient d’eux, & l’on fait avec quel mépris Saint Paul lui-même fut reçu des Athéniens. Les railleries & les injures pleuvoient de toutes parts sur la nouvelle Secte.Il falut prendre la plume pour se défendre. Saint Justin Martyr* [*Ces premiers ecrivains qui scelloient de leur sang le témoignage de leur plume, seroient aujourd’hui des Auteurs bien scandaleux; car ils soutenoient précisément le même sentiment que moi. Saint Justin dan son entretien avec Triphon, passe en revue les diverses Sectes de Philosophie dont il avoit autrefois effraye, & les rend si ridicules qu’on croiroit lire en Dialogue Lucien: aussi voit-on dans l’Apologie de Tertullien, combien bien le premiers Chrétiens se tenoient offenses d’être pris pour des Philosophes.
Ce seroit, en effet, un détail bien flétrissant pour la Philosophie, que l’exposition des maximes pernicieuses, & des dogmes impies de ses diverses Sectes. Les Epicuriens nioient toute providence, les Académiciens doutoient de l’existence de la Divinité, & les Stoïciens de l’immortalité de l’ame. La Sectes moins célebres n’avoient pas de meilleurs sentimens; en voici un échantillon dans ceux de Théodore, chef d’une des deux branches des Cyrenaiques rapporte par Diogene-Laerce. Sustulit amicitiam quod ea neque insipientibus neque sapientibus adsit... Probabile dicebat prudentem virum non seipsun pro patria periculis exponere, neque enim pro insipientium commodis amittendam esse prudentiam. Furto quoque & adulterio & sacrilegio cum tempestivum erit daturum operam sapientem. Nihil quippe horum turpe natura esse. Sed auferatur de hice vulgaris opinio, quae e stultorium imperitorumque plebecula constata est.... sapientem publice absque ullo pudore ac suspicione scortis congressurum.
Ces opinions sont particulieres, je le fais; mais y a-t-i1 une seule de toutes les Sectes qui ne soit tombée dans quelque erreur dangereuse; & que dirons-nous de la distinction des deux doctrines si avidement reçue de tous les Philosophes, & par laquelle ils professoient en secret des sentimens contraires à ceux qu’ils enseignoient publiquement? Pythagore fut le premier qui fit usage de la doctrine intérieure; il ne la decouvroit à ses disciples qu’après de longues épreuves & avec le plus grand mystère; il leur donnoit en secret des leçons d’Athéisme, offroit solemnellement des Hécatombes à Jupiter. Les Philosophes se trouvèrent si bien de cette méthode, qu’elle se répandit rapidement dans la Grece, & de-là dans Rome; comme en le voit par les ouvrages de Ciceron, qui se moquoit avec ses amis des Dieux immortels, qu’il attestoit avec tant d’emphase sur la Tribune aux harangues.
La doctrine intérieure n’a point été portée d’Europe à la Chine; mais elle y est née aussi avec la Philosophie; & c’est à elle que les Chinois sont redevables de cette foule d’Athées ou de Philosophes qu’ils ont parmi eux. L’Histoire de cette fatale doctrine, faite par un homme instruit & sincere, seroit un terrible coup porte à la Philosophe ancienne & moderne. Mais la Philosophie bravera toujours la raison, la vérité, & le tems même; parce qu’elle a sa source dans l’orgueil humain, plus fort que toutes ces choses.] écrivit le premier l’Apologie de sa [99] foi. On attaqua les Païens à leur tour; les attaquer c’etoit les vaincre; les premiers succès encouragèrent d’autres ecrivains: sous prétexte d’exposer la turpitude du Paganisme, on se jetta [100] dans la mythologie & dans l’érudition;* [*On a fait de justes reproches à Clément d’Alexandre, d’avoir affecte dans ses ecrits une érudition profane, peu convenable à un, Chrétien. Cependant, il semble qu’on excusable alors de s’instruire de la doctrine contre laquelle on avoit à se défendre. Mais qui pourroit voir sans tire toutes les peines que se donnent aujourd’hui nos Savans, pour éclaircir les reveries de la mythologie?] on voulut montrer de 1a Science & du bel esprit, les Livres parurent en foule les mœurs commencèrent à se relâcher.
Bientôt on ne se contenta plus de la simplicité de l’Evangile & de la foi des Apôtres, il falut toujours avoir plus d’esprit que ses.prédécesseurs. On subtilisa sur tout les dogmes; chacun voulut soutenir son opinion, personne ne voulut céder. L’ambition d’être Chef de Secte se fit entendre, les hérésies pullulerent de toutes parts.
L’emportement & la violence ne tardèrent pas à se joindre à la dispute. Ces Chrétiens si doux, qui ne savoient que tendre la gorge aux couteaux, devinrent entr’eux des persécuteurs furieux pires que les idolâtres: tous trempèrent dans les même excès & parti de le parti de la vérité ne fut pas soutenu avec plus de modération que celui de l’erreur. Un autre mal encore plus dangereux naquit de la même source. C’est l’introduction de l’ancienne Philosophie dans la doctrine Chrétienne. A force d’étudier les Philosophes Grecs, on crut y voir des rapports avec le Christianisme. On osa croire que la Religion en deviendroit plus respectable, revêtue de l’autorité de la Philosophie; [101] il fut un tems ou il faloit être Platonicien pour être Orthodoxe; & peu s’en salut que Platon d’abord, & ensuite Aristote ne fut place; sur l’Autel à cote de Jésus-Christ.
L’Eglise s’éleva plus d’une fois contre ces abus. Ses plus illustres défenseurs les déplorerent souvent en termes pleins de force & d’énergie: souvent ils tentèrent d’en bannir toute cette Science mondaine, qui en souilloit la pureté. Un des plus illustres Papes en vint même jusqu’à cet excès de zele de soutenir que c’etoit une chose honteuse d’asservir la parole de Dieu aux regles de la Grammaire.
Mais ils eurent beau crier; entraînes par le torrent, ils furent contraints de se conformer eux-mêmes à l’usage qu’ils condamnoient; & ce fut d’une maniere très-savante, que la plupart d’entr’eux déclamerent contre le progrès des Sciences.
Après de longues agitations, les choses prirent enfin une assiette plus fixe. Vers le dixieme siecle, le flambeau des Sciences cessa d’éclairer la terre; le Clergé demeura plonge dans une ignorance, que je ne veux pas justifier, puisqu’elle ne tomboit pas moins sur les choses qu’il doit savoir que sur celles qui lui sont inutiles, mais à laquelle l’Eglise gagna du moins un peu plus de repos qu’elle n’en avoit épreuve jusque-là.
Après la renaissance des Lettres, les divisions ne tardèrent pas à recommencer plus terribles que jamais. De savans Hommes émurent la quelle, de savans Hommes la soutinrent, & les plus capables se montrèrent toujours les plus obstines. C’est en vain qu’on établit des conférences entre les Docteurs des différens partis: aucun n’y portoit l’amour de la réconciliation, ni peut-être celui de la vérité; tous n’y portoient [102] que le désir de briller aux dépens de leur Adversaire; chacun vouloit vaincre, nul ne vouloit s’instruire; le plus fort imposoit silence au plus foible; la dispute se terminoit toujours par des injures, & la perfection en a toujours été le fruit. Dieu seul fait quand tous ces maux finiront.
Les Sciences sont florissantes aujourd’hui, la Littérature & les Arts brillent parmi nous; quel profit en a tire la Religion? Demandons-le à cette multitude de Philosophes qui se piquent de n’en point avoir. Nos Bibliothèques regorgent de Livres de Théologie; & les Casuistes fourmillent parmi nous. Autrefois nous avions des Saints & point de Casuistes. La 5cience s’étend & la foi s’anéantit. Tout le monde veut enseigner à bien faire, & personne ne vent l’apprendre; nous sommes tous devenus Docteurs, & nous avons cesse d’être Chrétiens.
Non, ce n’est point avec tant d’art & d’appareil que l’Evangile s’est étendu par tout l’Univers, & que sa beauté ravissante a pénétré les cœurs. Ce divin Livre, le seul nécessaire à un Chrétien, & le plus utile de tous à quiconque même ne le seroit pas, n’a besoin que d’être médite pour porter dans l’ame l’amour de son Auteur, & la volonté d’accomplir ses préceptes. Jamais la vertu n’a parle un si doux langage; jamais la plus profonde sagesse ne s’est exprimée avec tant d’énergie & de simplicité. On n’en. quitter point la lecture sans se sentir meilleur qu’auparavant. O vous, Ministres de la Loi qui m’y est annoncée, donnez-vous moins de peine pour m’instruire de tant de choses inutiles. Laissez-la tous ces Livres savans, qui ne savent ni me convaincre, ni me toucher. Prosternez-vous au pied de ce Dieu de miséricorde, que vous vous chargez [103] de me faire connoître & aimer; demandez-lui pour vous cette humilité profonde que vous devez me prêcher. N’étalez point à mes yeux cette Science orgueilleuse, ni ce faste indécent qui vous déshonorent & qui me revotent; soyez touches, vous-même, si vous voulez que je le fois; & sur-tout, montrez-moi dans votre conduite la pratique de cette Loi dont vous prétendez m’instruire. Vous n’avez pas besoin d’en savoir, ni de m’en enseigner davantage, & votre ministère est accompli. Il n’est point en tout cela question de belles-Lettres, ni de Philosophie. C’est ainsi qu’il convient de suivre & de prêcher l’Evangile, & c’est ainsi que ses premiers défenseurs sont fait triompher de routes les Nations, non Aristotelico more, disoient les Peres de l’Eglise, sed Piscatorio.* [*Notre foi, dit Montagne, ce n est pas notre acquêt. Ce n’est pas discours ou par notre entendement que nous avons reçeu notre Religion, c’est par autorité & par commandement etranger. La foiblesse de notre jugement nous y aide plus que la force, & notre aveuglement plus que notre clair-voyance. C’est par l’entremise de notre ignorance que nous sommes savans. Ce n’est pas merveille, si nos moyens naturels & terrestres ne peuvent concevoir cette connoissance supernaturelle & céleste: apportons-y seulement du notre, l’obéissance & la seulement du notre, l’obéissance & la subjection; car, comme il est écrit; je détruirai la sapience des sages, & abattrai la prudence des prudens.]
Je sens que je deniers long, mais j’ai cri, ne pouvoir me dispenser de m’étendre un peu sur un point de l’importance de celui-ci. De plus, les Lecteurs impatiens doivent faire réflexion que c’est une chose bien commode que la critique; car ou l’on attaqua avec un mot, il faut des pages pour se défendre.
Je passe à la deuxieme partie de la Réponse, sur laquelle je [104] tacherai d’être plus court, quoique je n’y trouve gueres moins d’observations à faire.
Ce n’est pas des Sciences, me dit-on, c’est du sein des richesses que sont nés de tout tems la mollesse & le luxe. Je n’avois pas dit non plus, que le luxe fut ne des Sciences; mais qu’ils etoient nés ensemble & que l’un n’alloit gueres sans l’attire. Voici comment j’arrangerois cette généalogie. La premiere source du mal est l’inégalité; de l’inégalité sont venues les richesses; car ces mots de pauvre & de riche sont relatifs, & par-tout ou les hommes seront égaux, il n’y aura ni riches ni pauvres. Des richesses sont nés le luxe & l’oisiveté; du luxe sont venus les beaux-Arts, & de l’oisiveté les Sciences. Dans aucun tems les richesses n’ont été l’appanage des Savans. C’est en cela même que le mal est plus grand, les riches & les savans ne servent qu’a se corrompre mutuellement. Si les riches etoient plus savans, ou que les savans fussent plus riches; les uns seroient de moins lâches flatteurs; les autres aimeroient moins la basse flatterie, & tous en vaudroient mieux. C’est ce qui peut se voir par le petit nombre de ceux qui ont le bonheur d’être savans & riches tout à la fois. Pour un Platon dans l’opulence, pour un Aristippe accrédite à la Cour, combien de Philosophes réduits au manteau & la besace, enveloppes dans leur propre vertu & ignores dans leur solitude? Je ne disconviens pas qu’il n’y ait un grand nombre de Philosophes très-pauvres, & surement très-fâches de l’être: je ne doute pas non plus que ce ne soit à leur seule pauvreté, que la plupart d’entr’eux doivent leur Philosophie; mais quand je voudrois bien les supposer venteux, seroit-ce sur leurs mœurs que le peuple [105] ne voit point, qu-il apprendroit à reformer les siennes? Les Savans n’ont ni le goût, ni le loisir d’amasser de grands biens. Je consens à croire qu’ils n’en ont pas le loisir. Ils aiment l’étude. Celui qui n’aimeroit pas son métier, seroit un homme bien fou, ou biens misérable. Ils vivent dans la médiocrité; il faut être extrêmement dispose en leur faveur pour leur en faire un mérite. Une vie laborieuse & modérée, passée dans le silence de la retraite, occupée de la lecture & du travail, n’est pas assurément une vie voluptueuse & criminelle. Non pas du moins aux yeux des hommes: tout dépend de l’intérieur. Un homme peut être contraint à mener une telle vie, & avoir pourtant l’ame très-corrompue; d’ailleurs qu’importe qu’il soit lui-même vertueux & modeste, si les travaux dont il s’occupe, nourrissent l’oisiveté & gâtent l’esprit de ses concitoyens? Les commodités de la vie pour être souvent le fruit des Arts, n’en sont pas davantage le partage des Artistes. Il ne me paroit gueres qu’ils soient gens à se les refuser; sur-tout ceux qui s’occupant d’Arts tout-à-fait inutiles & par conséquent très-lucratifs, sont plus en Etat de se procurer tout ce qu’ils désirent. Ils ne travaillent que pour les riches. Au train que prennent les choses, je ne serois pas étonne de voir quelque jour les riches travailler pour eux. Et ce sont les riches oisifs qui profitent & abusent des fruits de leur industrie. Encore une fois, je ne vois point que nos Artistes soient des gens si simples & si modestes; le luxe ne sauroit régner dans un ordre de Citoyens, qu’il ne se glisse bientôt parmi tous les autres sous différentes modifications, & par-tout il fait le même ravage.
Le luxe corrompt tour; & le riche qui en jouit, & le misérable [106] qui le convoite. On ne sauroit dire que ce soit un mal en foi de porter des manchettes de point, un habit brode, & une boite émaillée. Mais c’en est un très-grand de faire quelque cas de ces colifichets, d’estimer heureux le peuple qui les porte, & de consacrer à se mettre en etat d’en acquérir de semblables, un tems & des soins que tout homme doit à de plus nobles objets. Je n’ai pas besoin d’apprendre quel est le métier de celui qui s’occupe de telles vues, pour savoir le jugement qui je dois porter de lui.
J’ai passe le beau portrait qu’on nous fait ici des Savans, & je crois pouvoir me faire un mérite de cette complaisance. Mon Adversaire est moins indulgent: non-seulement il m’accorde rien qu’il puisse me refuser; mais plutôt que de passer condamnation sur le mal que je pense de notre vaine & fausse politesse, il aime mieux excuser l’hypocrisie. Il me demande si je voudrois que le vice se montrât à découvert? Assurément je le voudrois. La confiance & l’estime renaitroient entre les bons, on apprendroit à se défier des mechans, & la société en seroit plus sure. J’aime mieux que mon ennemi m’attaque à force ouverte, que de venir en trahison me frappes par derrière. Quoi donc! faudra-t-il joindre le scandale au crime? Je ne sais; mais je voudrois bien qu’on n’y joignit pas la fourberie. C’est une chose très-commode pour les vicieux que tout les maximes qu’on nous débite depuis long-tems sur le scandale: si on les vouloit suivre à la rigueur, il faudroit se laisser piller, trahir, tuer impunément & ne jamais punir personne; car c’est un objet très-scandaleux, qu’un scélérat sur la roue. Mais l’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu? Oui, [107] comme celui des assassins de César, qui se prosternoient à ses pieds pour l’égorger plus surement. Cette pensée à beau être brillante, elle a beau être autorisée du nom célébré de son Auteur,* [*Le Duc de la Rochefoucault.] elle n’en est pas plus juste. Dira-t-on jamais d’un filou, qui prend la livrée d’une maison pour faire son coup plus commodément, qu’il rend hommage au maître de la maison qu’il vole? Non, couvrir sa méchanceté du dangereux manteau de l’hypocrisie, ce n’est; point honorer la vertu; c’est l’outrager en profanant ses enseignes; c’est ajouter la lâcheté & la fourberie à tous les autres vices; c’est se fermer pour jamais tout retour vers la probité. Il y a des caracteres élevés qui portent jusques dans le crime je ne sais quoi de fier & de généraux, qui laisse voir au-dedans encore quelque étincelle de ce feu céleste fait pour animer les belles ames. Mais l’ame vile & rampante de l’hypocrite est semblable à un cadavre, ou l’on ne trouve plus ni feu, ni chaleur, ni ressource à la vie. J’en appelle à l’expérience. On a vu de grands scélérats rentrer en eux-mêmes, achever saintement leur carrière & mourir en prédestines. Mais ce que personne n’a jamais vu, c’est un hypocrite devenir homme de biens; on auroit pu raisonnablement tenter la conversion de Cartouche, jamais un homme sage n’eut entrepris celle de Cromwel.
J’ai attribue au rétablissement des Lettres & des Arts, l’élégance & la politesse qui regnent dans nos manieres. L’Auteur de la Réponse me le dispute, & j’en suis étonne, car puisqu’il fait tant de cas de la politesse, & qu’il fait tant [108] de cas des Sciences, je n’apperçois pas l’avantage qui lui reviendra d’ôter à l’une de ces choses l’honneur d’avoir produit l’autre. Mais examinons ses preuves: elles se réduisent à ceci. On ne voit point que les Savans soient plus polis que les autres hommes; au contraire, ils le sont souvent beaucoup moins; donc notre politesse n’est pas l’ouvrage des Sciences.
Je remarquerai d’abord qu’il s’agit moins ici de Sciences que de Littérature, de beaux Arts & d’ouvrages de goût; & nos beaux esprits, aussi. peu Savans qu’on voudra, mais si polis, si répandus, si brillans, si petits-maîtres, se reconnoîtront difficilement à l’air maussade & perdantes que que l’Auteur de la Réponse leur vent donner. Mais passons-lui cet antécédent; accordons, s’il le faut, que les Savans, les Poetes & les beaux esprits sont tous également ridicules; que Messieurs de l’Académie des Belles-Lettres, Messieurs de l’Académie des Sciences, Messieurs de l’Académie Françoise, sont des gens grossiers, qui ne connoissent ni le ton, ni les usages du monde & exclus par etat de la borne compagnie; l’Auteur gagnera peu de chose à cela, & n’en sera pas plus en, droit de nier que la politesse & l’urbanité qui régnant parmi nous soient l’effet du bon goût, puise d’abord chez les anciens & répandu parmi les peuples de l’Europe par les Livres agréables qu’on y publie de toutes parts.* [*Quand il est question d’objets aussi généraux que les mœurs & les manieres d’un peuple, il faut prendre garde de ne pas toujours rétrécir ses vues, sur des exemples particuliers. Ce seroit le moyen de ne jamais appercevoir les sources des choses. Pour savoir si j’ai raison d’attribuer la politesse à la culture des Lettres, il ne faut pas chercher si un Savant ou un autre sont des gens polis; mais il faut examiner les rapports qui peuvent être entre la littérature & la politesse, & voir ensuite quels sont les peuples chez lesquels ces choses se sont trouvées réunies ou séparées. J’en dis autant du luxe, de la liberté, & de routes les autres choses qui influent sur les mœurs d’une Nation, & sur lesquelles j’entends faire chaque jour tant de pitoyables raisonnemens: examiner tout cela en petit & sur quelques individus, ce n’est pas Philosopher, c’est perdre son tems & ses réflexions; car on peut connoître à fond Pierre ou Jaques, & avoir fait très-peu de progrès dans la connoissance des hommes.] Comme les meilleurs maîtres à danser ne sont pas. toujours les gens qui se présentent le mieux, ou [109] peut donner de très-bonnes leçons de politesse, sans vouloir ou pouvoir être fort poli soi-même. Ces pesans Commentateurs qu’on nous dit qui connoissoient tout dans les anciens, hors la grace & la finesse, n’ont pas laisse, par leurs ouvrages utiles, quoique méprises, de tous apprendre à sentir ces beautés qu’ils ne sentoient point. Il en est de même de cet agrément du commerce, & de cette élégance de mœurs qu’on substitue à leur pureté, & qui s’est fait remarquer chez tous les peuples ou les Lettres ont été en honneur; à Athenes, à Rome, à la Chine, par-tout on a vu la politesse & du langage & des manieres accompagne toujours, non les Savans & les Artistes, mais les Sciences & les beaux-Arts.
L’Auteur attaque ensuite les louanges que j’ai données l’ignorance: & me taxant d’avoir parle plus en Orateur qu’en Philosophe, il peint l’ignorance à son tour; & l’on peut bien se douter qu’il ne lui prête pas de belles couleurs.
Je ne nie point qu’il ait raison, mais je ne crois pas avoir tort. Il ne faut qu’une distinction très-juste & très-vraie pour nous concilier.
[110] Il y a une ignorance féroce* [*Je serai fort étonne, si quelqu’un de mes critiques ne part de l’éloge que j’ai fait de plusieurs peuples ignorans & vertueux, pour m’opposer la liste de toutes les troupes de brigands qui ont infecte la terre, & qui, pour l’ordinaire, n’etoient pas de fort savans hommes. Je les exhorte d’avance, à ne pas se fatiguer à cette recherche, à moins qu’ils ne l’estiment nécessaire pour montrer de l’érudition. Si j’avois dit qu’il suffit d’être ignorant pour être vertueux, ce ne pas la peine de me répondre; & par la même raison, je me croira très-dispense de répondre moi-même à ceux qui perdront leur tems à me soutenir le contraire. Voyez le Timon de M. de Voltaire.] & brutale, qui naît d’un mauvais cœur & d’un esprit faux; une ignorance criminelle qui s’étend jusqu’aux devoirs de l’humanité; qui multiplie les vices; qui dégrade la raison, avilit l’ame & rend les hommes semblables aux bêtes: cette ignorance est celle que l’Auteur attaque, & dons il fait un portrait fort odieux & tort ressemblant. Il y a une autre sorte d’ignorance raisonnable, qui consiste à borner sa curiosité à l’étendue des facultés qu’on a reçues; une ignorance modeste, qui naît d’un vif amour pour la vertu, & n’inspire qu’indifférence sur toutes les choses qui ne sont point dignes de remplir le cœur de l’homme, & qui ne contribuent point à le rendre meilleur; une douce & précieuse ignorance, trésor d’une ame pure & contente de foi, qui met toute sa félicite à se replier sur elle-même, se rend témoignage de son innocence, & n’a pas besoin de chercher un faux & vain bonheur dans l’opinion que les autres pourroient avoir de ses lumieres: voilà l’ignorance que j’ai louée, & celle que je demande au Ciel en punition du scandale que j’ai cause aux doctes, par mon mépris déclare pour les Sciences humaines.
Que l’on compare, dit l’Auteur, à ces tems d’ignorance & [111] de barbarie, ces siecles heureux ou les Sciences ont répandu par-tout l’esprit d’ordre & de justice. Ces siecles heureux seront difficiles à trouver; mais on en trouve plus aisément ou, grace aux Sciences, Ordre & Justice ne seront plus que de vains noms faits pour en imposer au peuple, & ou l’apparence en aura été conservée avec soin, pour les détruire en effet plus impunément. On voit de nos jours guerres moins fréquentes, mais plus justes; en quelque tems que ce soit comment la guerre pourra-t-elle être plus juste dans l’un des partis, sans être plus injuste dans l’autre? Je ne saurois concevoir cela! Des actions moins étonnantes, mais plus héroiques. Personne assurément ne disputera à a mon Adversaire le droit de juger de juger de l’héroïsme; mais pense-t-il que ce qui n’est point étonnant pour lui, ne le soit pas pour nous? Des victoires moins sanglantes, mais plus glorieuses; des Conquêtes moins rapides, mais plus assurées; des guerriers moins violens, mais plus redoutes; fâchant vaincre. avec modération, traitant les vaincus avec humanité; l’honneur est leur guide, la gloire leur récompense. Je ne nie pas à l’Auteur qu’il n’y ait de grands hommes parmi nous, il lui seroit trop aise d’en fournir la preuve; ce qui n’empêche point que les peuples ne soient très-corrompus. Au reste, ces choses sont si vagues qu’on pourroit presque les dire de tous les âges; & il est impossible d’y répondre, parce qu’il faudroit feuilleter des Bibliothèques & faire des in-folios pour établir des preuves pour ou contre.
Quand Socrate a maltraite les Sciences, il n’a pu, ce me semble, avoir en vue, ni l’orgueil des Stoïciens, ni la mollesse des Epicuriens, ni l’absurde jargon des Pyrrhoniens, [112] parce qu’aucun de tous ces gens-là n’existoit de son tems. Mais ce léger anacronisme n’est point messéant à mon faire: il a mieux employé sa vie qu’a vérifier des dates, & n’est pas plus oblige de savoir par cœur son Diogene-Laerce, que moi d’avoir vu de près ce qui se passe dans les combats.
Je conviens donc que Socrate n’a songe qu’a relever les vices des Philosophes de son tems: mais je ne fais qu’en conclure sinon que des ce tems-là les vices pulluloient avec les Philosophes. A cela on me répond que c’est l’abus de la Philosophie, & je ne pense pas avoir dit le contraire. Quoi! faut-il donc supprimer toutes les choses dont abuse? Oui sans doute, répondrai-je sans balancer: toutes celles dont l’abus fait plus de mal que leur usage ne fait de bien.
Arrêtons-nous un instant sur cette derniere conséquence, & gardons-nous d’en conclure qu’il faille aujourd’hui brûler les Bibliothèques & détruire les Universités & les Académies. Nous ne ferions que replonger l’Europe dans la barbarie, & les mœurs n’y gagneroient rien.* [*Les vices nous resteroient, dit le Philosophe que j’ai déjà cite, & nous aurions l’ignorance de plus. Dans le peu de lignes que cet Auteur a écrites sur ce grand sujet, on voit qu’il a tourne les yeux de ce qu’il a vu loin.] C’est avec douleur que je vais prononcer une grande & fatale vérité. Il n’y a qu’un pas du savoir à l’ignorance; & l’alternative de l’un à l’autre est fréquente chez les Nations; mais on n’a jamais vu de une fois corrompu, revenir à la vertu. En vain vous prétendriez détruire les sources du mal; en vain vous ôteriez les alimens de la vanité, de l’oisiveté & du luxe; en vain même [113] vous ramèneriez les hommes à cette premiere égalité, conservatrice de l’innocence & source de toute vertu: leurs cœurs une fois gâtés le seront toujours; il n’y a plus de remede, à moins de quelque grande révolution presque aussi à craindre que le mal qu’elle pourroit guérir, & qu’il est blâmable de désirer & impossible de prévoir.
Laissons donc les Sciences & les Arts adoucir en quelque sorte la férocité des hommes qu’ils ont corrompus; cherchons à faire une diversion sage, & tachons de donner le change à leurs passions. Offrons quelques alimens à ces tigres, afin qu’ils ne dévorent pas nos enfans. Les lumieres du mâchant sont encore moins à craindre que sa brutale stupidité; elles le rendent au moins plus circonspect sur le mal qu’il pourroit faire, par la connoissance de celui qu’il en recevroit lui-même.
J’ai loue les Académies & leurs illustres Fondateurs & j’en répéterai volontiers l’éloge. Quand le mal est incurable, le Médecin applique des palliatifs, & proportionne les remèdes, moins aux besoins qu’au tempérament du malade. C’est aux sages législateurs d’imiter sa prudence; &, ne pouvant plus approprier aux Peuples malades, la plus excellente police, de leur donner du moins, comme Solon, la meilleure qu’ils puissent comporter.
I! y a en Europe un grand Prince, & ce qui est bien plus, un vertueux Citoyen, qui dans la partie qu’il a adoptée & qu’il rend heureuse, vient de former plusieurs institutions en faveur des Lettres. Il a fait en cela une chose très-digne de sa sagesse & de sa vertu. Quand il est question d’etablissemens politiques, c’est le tems & le lieu qui décident de tour. [114] Il faut pour leurs propres intérêts que les Princes favorisent toujours les Sciences & les Arts; j’en ai dit la raison dans l’Etat présent des choses, il faut encore qu’ils les favorisent aujourd’hui pour l’intérêt même des peuples. S’il avoit actuellement parmi nous quelque Monarque assez borne pour penser & agir différemment, ses sujets resteroient pauvres ignorans, & ignorans, & n’en seroient pas moins vicieux. Mon Adversaire a négligé de tires avantage d’un exemple si frappant & si favorable en apparence à sa cause; peut-être est-il le seul qui l’ignore, ou qui n’y ait pas songe. Qu’il souffre donc qu’on le lui rappelle; qu’il ne refuse point à de grandes choses les éloges qui leur sont dus; qu’il les admire ainsi que nous, & ne s’en tienne pas plus fort contre les vérités qu’il attaque.
FIN.