[JEAN JACQUES ROUSSEAU]
LETTRE
A MONSIEUR FRÉRON
PAR MADAME D.L.M
[15 mars 1779. ==Du Peyrou/Moultou 1780-89 quarto édition, t. XV, pp. 401-412.]
LETTRE
A MONSIEUR
FRÉRON
PAR MADAME
D.L.M.
J’ai long-tems hésité à vous rendre compte du scandale que m’a causé la lecture de la seconde feuille de l’Année Littéraire: mais enfin, persuadée que, quand on dit la vérité avec autant de courage que vous, on doit l’aimer assez pour l’entendre sans dédain, quel qu’en soit l’organe, je me détermine à vous ouvrir mon coeur. Lorsqu’on a choisi un état qui rend dispensateur de la gloire, il ne suffit pas, Monsieur, de posséder au suprême degré le talent de l’analyse, d’être littérateur instruit, écrivain éloquent, observateur exact, critique éclairé, points sur lesquels vous êtes à l’abri de tout reproche, il faut encore être juge équitable. Or vous avez doublement manqué à ce devoir; 1°. en anathématisant sans distinction, les deux fameuses Notes qui se trouvent pages 121, & 267 de l’Essai sur la vie de Séneque; 2°. en privant M. Négeon, qu’on assure qui en est l’auteur, de la part qui lui est due, dans la condamnation que vous avez prononcée contre M. Diderot. Car ne vous y trompez pas, Monsieur, il n’y, a point d’Encyclopédiste, qui ne se croye rehaussé d’un cran, à chaque effort que vous faites pour combatre les maximes favorites de sa secte: [402] a plus forte raison, quand c’est lui personnellement que vous provoquez au combat. En effet, toutes les fois que vous vous y présentez, ne leur préparez-vous pas une victoire? Vos gothiques principes peuvent-ils se soutenir auprès de ceux de ces nouveaux illuminés? Et votre inaction ne les rendroit-elle pas suspects de ne pas vous être aussi opposés qu’ils le doivent? Quoi qu’il en soit, Monsieur, venons aux Notes. Je vous abandonne la premiere: elle a occasionné un soulévement si général qu’il faut bien que mon indulgence renonce à la défendre. L’animadversion publique tombe également sur le maître connu, qui a permis qu’elle fût insérée dans son ouvrage, & sur l’adepte obscur, qui l’a faite. Eh! Le moyen, dit-on d’une part, qu’un homme, qui au bout du compte n’étoit pas un sot, & qui avoit l’air de croire en Dieu, ne leur parût pas un hypocrite! D’une autre part, on prétend que ce n’est pas de bonne foi qu-ils l’accusent d’hypocrisie qu’ils auroient tâché de lui arracher sou masque, quand ils croyoient qu’il le portoit. De toutes parts enfin, on s’accorde à dire que l’existence des Mémoires, crime capital de J. J. Rousseau, ayant été généralement sue, plus de dix ans avant sa mort,* [*M. Hume en parle dans l’Exposé succinct qu’il donna en 1766, de sa contestation avec J. J. Rousseau.] il est aussi bas, qu’atroce, de l’avoir attendue pour le diffamer. Que le prudent silence que ses détracteurs ont gardé, tant qu’il a pu leur répondra, prouve qu’ils se sentoient accablés du poids de sa supériorité; & qu’ils lui portoient la haine sourde, & le respect forcé, que le vice a toujours pour la vertu. Qu’il faut M. [403] Diderot, qui a intimement* [*Ceci exige un petit commentaire, pour l’édification des lecteurs peu au fait de ces liaisons intimes. Elles ont en effet existé, mais elles se sont brusquement converties, d’une part, en éloignement, dès que Jean-Jaques a appris à connoître ces prétendus amis; d’une autre part, en haine, d’abord sourde, aujourd’hui très-déclarée, dès que ces Messieurs se sont vus pénétrés, & en ont pressenti la conséquence. (Note de M. Du Peyrou.)] vécu avec Jean-Jaques, sois non-seulement bourrelé, mais aveuglé par ses remords, pour n’avoir pas senti que, s’il l’a ménagé dans ses Mémoires, (ce qu’on ne manquera pas de croire, de quelque façon qu’il soit traité) il rend ces ménagemens inutiles, & s’accuse lui-même, par les lâches précautions qu’il prend contre la publicité de cet ouvrage; puisqu’il est clair qu’il ne craint tant d’y trouver son portrait, que parce qu’il est sûr d’avoir fourni des traits odieux à son peintre. Voilà ce que pensent les gens qui s’y entendent. Pour moi, qui ne suis qu’une bonne femme, tout ce que je conclus de cette Note, c’est que ces Messieurs ne croyent pas aux Revenans. Mais vous, Monsieur, que je veux continuer d’estimer, quoique vous ayez négligé de tirer une ligne de démarcation entre ces deux Notes, si différentes par l’objet qu’elles traitent, par le but auquel elles tendent, & même par le style qui les caractérise, comment le cri de votre conscience ne vous a-t-il pas averti de l’énorme injustice que vous commettiez, en ne faisant aucune mention de M. l’EDITEUR NÉGEON? Oh! Depuis le factum de M. Hume, j’ai les EDITEURS en grande recommandation; & sur-tout M. l’EDITEUR NÉGEON. Vous me direz, sans doute, que cette façon de parler est impropre, inusitée.....Tant pis Monsieur, tant pis! Que [404] seroit ce nom sans l’épithete qui le précede? De quel autre l’avez-vous vu décoré? Savez-vous bien que c’est un homme précieux qu’un EDITEUR capable d’enrichir un ouvrage de Notes qui le sont, oublier? Or je n’entends citer l’Essai sur la va de Séneque, que pour indiquer où se trouvent les Notes dont il s’agit. Je ne sais si l’enthousiasme m’égare, mais je voudrois que le titre d’EDITEUR fût spécialement, inséparablement, exclusivement annexé au nom de NÉGEON; que l’on dît l’EDITEUR NÉGEON, comme on dit......le Chancelier d’Aguesseau, par exemple. J’avoue que ces deux noms ne présentent pas des idées absolument analogues. Mais qu’importe? N’y a-t-il pas différens genres de célébrité? On ne parlera peut-être pas moins long-tems de Cartouche, que de Turenne.
Je me suis précédemment montrée a vous, Monsieur, parée de la qualité d’amie de J. J. Rousseau; & je ne serai jamais rien qui y déroge. En dépit du tort que M. l’Editeur Négeon, & M. Helvétius lui sont dans mon esprit, je le sens, mon coeur lui sera toujours fidelle, car ce sont ses vertus qui m’attachent, & ces Messieurs n’attaquent que ses talens. Mais aussi avec quel avantage!..... En vérité, en lisant la lumineuse Note de la page 267 on rougit pour les partisans de Jean-Jaques, du travers qu’ils se donnent, en prétendant pour lui à une sorte de réputation. A laquelle peut avoir droit un homme qui, NÉ DÈS LE DIX-HUITIEME SIECLE, n’a pas deviné les grandes vérités de la morale; & s’est contenté de les exposer avec tant de clarté, de dignité, & de graces, qu’il les a rendues sensibles, respectables & cheres, aux gens de l’intelligence la moins exercée: qui n’a pas deviné que deux & deux sont quatre [405] & qui s’en est tenu à soumettre sa conduite à un calcul aussi exact que celui-là: qui n’a pas dit le premier que les femmes seroient fort bien, tant pour eux, que pour elles-mêmes, de nourrir leurs enfans; & qui l’a seulement répété de façon à vaincre la vanité & la mollesse, qui engageoient à livrer ces infortunés à des soins mercenaires, toutes les meres en état de les payer.
Un pitoyable dialecticien, qui n’a jamais su marcher de conséquence en conséquence; dont les principes sont faux & communs; & qui perd son tems à vouloir coudre ensemble des idées incohérentes, dont le choc perpétuel ne produit que des contradictions.
Un écrivain stérile qui n’a rien à lui, que l’arrangement assez heureux, des mots qu’il employé qui va sans cesse, & sans pudeur, moissonnant dans le champ d’autrui, car sans parler de ses autres ouvrages, il est évident qu’il a volé à Séneque, à Plutarque, à Montagne, à Locke, à Sidney, &c. &c. &c. tout ce qu’il y a de profondément pensé dans son Contrat Social. Tandis qu’un homme qui auroit assez d’âge, d’étude, & de mémoire, pour posséder tous les auteurs qui ont écrit depuis l’origine du monde,* [*Grace pour cette expression,Monsieur; ne m’en sers que comme M. Diderot dit plut à Dieu! Je sais bien qu’il ne faut pas croire que le monde ait commencé. A propos de cela, n’admirez-vous pas avec quelle condescendance, les initiés se prêtent à dater comme le vulgaire?] ne trouveroit dans tout ce que nous a donné le divinité Voltaire, (à qui pourtant on a osé comparer Rousseau) pas un plan, pas une idée, pas une opinion, pas une pensée, pas une observation, pas un [406] raisonnement, pas une comparaison, pas une erreur, pas une fiction, qu’aucun d’eux pût revendiquer: le génie de l’invention lui ayant été soumis, jusqu’au point de lui dicter l’histoire.
Un sophiste dangereux, qui n’a fait servir son artificieuse éloquence, qu’à en imposer à un sexe dont la sensibilité ouvre l’ame à toutes sortes de séductions: Prêtez, Monsieur, un oreille attentive, & un esprit docile, à l’importante vérité que je vais vous révéler. Toute la reconnoissance que les femmes portent à Jean-Jaques, (car quel homme seroit assez dupe pour imaginer lui en devoir?) n’a aucun fondement réel; la révolution qui paroît s’être faite depuis 1762, dans nos mœurs & dans nos usages, relativement à la premiere enfance, n’est qu’une pure illusion: on croit bonnement que, quand leurs forces répondent à leurs desirs, des femmes de toutes conditions allaitent leurs enfans; que la tendresse maternelle qui veille sans relâche à leur sureté, rejettant les liens qui comprimoient leurs membres délicats; gênoient leur liberté, déjà si bornée par leur foiblesse; substituoient les convulsions la douleur, au sourire caressant que la nature cherche à placer sur leurs levres innocentes; ces enfans en sont plus aimables, plus sains, plus robustes, & plus heureux.....Prestiges que tout cela. Tout va, à cet égard, comme tout alloit avant la publication d’Émile. Voilà, Monsieur, ce dont je ne doutois pas, avant d’avoir lu la flamboyante note qui a dissipé les fausses lueurs, dont la fantastique éloquence de Jean-Jaques avoit environné mon esprit. J’avoue donc hautement les prodigieuses obligations que j’ai aux HOMME DE BIEN,* [*Cette expression très-familiere à M. Diderot, m’a paru on ne peut pas plus propre à le désigner.] & [407] EDITEUR par excellence. Cependant, la reconnoissance qui applaudit au mal, étant presque aussi condamnable que l’ingratitude qui le commet, je suis forcée d’abattre au moins un des coins de l’autel, que mon admiration a élevé à la merveilleuse sagacité de ces hommes rares. Le dernier dit, avec le consentement de l’autre, que Jean-Jaques n’est pas même un ami très-sincere, & très-zélé de la vérité. Comme cela est foible!.... Après les horreurs qu’ils ont imputées dans leur premiere note, à ce philosophe dont, pour me servir d’une expression du Journal de Paris, l’inflexible probité est le désespoir des philosophes du jour, cette perfide modération choque autant le bon sens, que l’honnêteté. Celui qui n’est pas un ami très-sincere & très-zélé de la vérité, est un fourbe. J’en demande pardon à ces Messieurs; mais il faut trancher le mot; ce n’est pas pour Jean-Jaques qu’il peur être une injure. Quand j’ai dit qu’ils n’attaquoient que ses talens, le trait que je relevé m’avoit échappé; & j’étois entraînée par la persuasion où l’on est universellement (je ne les excepte pas) qu’ils auroient fait grace à ses vertus, si ses talens n’avoient pas irrité leur envie. Jean-Jaques étoit un ami très-sincere & très-zélé de la verité; puisqu’il la préféroit aux intérêts de son amour-propre, de sa fortune, & de sa liberté. Un Cardan peut combattre cette assertion: mais il n’eût pas en son pouvoir de la détruire; elle est trop incontestablement prouvée. Eh! ces Messieurs la prouvent eux-mêmes, sans le vouloir, en disant que, Jean-Jaques se met fort peu en peine de se contredire; car cela est vrai: non par inconséquence, comme ils feignent de le croire, mais par amour [408] pour la vérité. Lorsque son expérience, ses réflexions, ou les observations de ses amis, jettoient de nouvelles lumières sur un objet qu’il avoit mal vu, il se mettoit fort peu en peine de se contredire, parce qu’il craignoit moins les triomphes de ses adversaires, que les reproches de sa délicatesse; & ne balançait point à rectifier, en revenant sur ses pas, les idées de ceux que son autorité avoit pu séduire. Ce qui, au surplus, ne lui arrivoit qu’en matières de goût, & tout-à-fait étrangeres aux bonnes moeurs. Je ne présume pas que ce soit en qualité d’orthodoxes, que ces Messieurs lui sont son procès: ainsi le, n’ai rien à leur abandonner; & je dois défendre tout ce qu’ils attaquent, la beauté de son ame, la pureté de ses intentions, & l’intégrité de sa vie.
Ne pensez pas, Monsieur, que ce soit parce que la nature m’a placée dans la classe de ces êtres mobiles, dont l’imagination prompte à s’allumer, les met toujours à la discrétion d moment.... de ces êtres peu instruits, dissipés, avides de jouissances, &c. que je consacre mes forces à la défense de J. J. Rousseau. Malgré le portrait, hélas! trop fidèle, que ces Messieurs sont de mon sexe, je ne me déclare pour son bienfaiteur, que, parce qu’avec les mêmes raisons qu’eux de l’estimer, je n’ai’pas le même intérêt à cacher mon estime. J’ai personnellement très-peu connu Jean-Jaques; mais je suis entourée de gens qui l’ont connu à fond: il n’y en a pas un, qui, négligeant de préconiser son mérite littéraire, comme trop généralement reconnu, n’insiste sur les éminentes qualités qui constituoient son caractere; & qui ne dise qu’il n’avoit de défauts, que l’excès de quelques vertus. De plus, j’ai lu de lui cent quatre-vingt-quatre [409] lettres particulieres, toutes écrites de sa main, & adressées à différentes personnes, dans les plus cruelles circonstances où il se soit trouvé; il n’y a pas une de ces lettres qui ne porte l’empreinte de l’ame de leur auteur; pas une qui ne respire la sensibilité, la candeur, le désintéressement, la bonté, l’indulgence; pas une, qui ne soit de tout point conforme aux excellens principes de morale qu’il établit dans ses ouvrages, sur lesquels il n’a jamais varié, & sur-tout, qu’il n’a jamais démentis par sa conduite. Enfin la droiture de Jean-Jaques m’est si démontrée, que je suis obligée de la soutenir, & contre l’impudence qui l’attaque ouvertement, & contre la lâcheté qui cherche à la rendre suspecte; puisque mon coupable silence me rendroit complice de la plus exécrable noirceur, que la méchanceté philosophique se soit jamais permise. A la vérité je n’espere pas de détromper ses accusateurs: ce n’est pas parce qu’on se trompe, que l’on fait une emphatique apologie de Séneque, & un infâme libelle contre Jean-Jaques; c’est parce qu’on a des desseins, au succès desquels on est déterminé à tout sacrifier. Mais je croirai mes efforts assez récompensés, si je préserve une seule personne honnête, du malheur de refuser au plus vrai, & au meilleur des hommes, le tribut de respect, & d’admiration qui lui est dû.
A présent que j’ai rempli de mon mieux, l’honorable tâche que mon amour pour la justice, & ma vénération pour J. J. Rousseau m’imposoient, souffrez, Monsieur, que je me plaigne à vous, du tort involontaire, mais irréparable qu’il m’a fait. La lecture de ses ouvrages a tellement obstrué mon intelligence, [410] que je n’entends presque plus que vous, M. de Buffon, & lui. C’est sans doute par cette raison, que je trouve tant de choses qui m’arrêtent, dans ces notes, que vous n’auriez pas jugées dangereuses, si elles avoient été mal faites. Par exemple, je ne conçois pas ce que peut être le style de Montagne, si Rousseau qui écrit avec cet agrément, ce nombre cette harmonie dont le charme est irrésistible, n’est pourtant pas aussi agréable à lire que lui. Je ne conçois pas comme Montagne qui orne toutes les bibliotheques, & que tout le monde lit, puisque je l’ai lu, étant plus agréable à lire que Rousseau, n’obtient pas sur lui la préférence, auprès des femmes & des gens du monde, qui s’ils veulent être instruits, desirent encore plus d’être amusés; & s’il l’obtient, je ne conçois pas comment on espere, que, quand il sera mieux connu l’enthousiasme que Rousseau inspire s’affoiblira, & peut-être même se perdra tout-à-fait. Je ne conçois pas comment on dit de Rousseau, à qui on a tant reproché la fureur des paradoxes, que, peu scrupuleux examinateur des opinions généralement reçues le nombre de ceux qui les adoptent lui en impose. J’avois toujours cru qu’un paradoxe étoit un sentiment opposé à une opinion généralement reçue. Enfin, Monsieur, je ne conçois pas, où se trouvent les traces de la persécution qu’éprouvent les ennemis de Jean-Jaques, de la part de ses amis. Connoissez-vous une seule victime de cette persécution qui a tous les effets de la haine théologique? Or ces effets doivent être bien éclatans, car la haine théologique est audacieuse & barbare: mais la haine philosophique l’est-elle moins? Et si la philosophie à la mode, celle qui hait, étoit assise sur [411] le trône où siege la religion, pensez-vous que les malheureux rejettés de son sein, eussent à bénir sa tolérance? Si les sectateurs de Jean-Jaques haïssent, nuisent, calomnient, persécutent, (ce dont on peut défier de citer une seule preuve), ils sont bien éloignés de suivre les maximes, & d’imiter les exemples de leur chef. Quant à la beauté de son style, d’où l’impossibilité de la nier, engage ses adversaires à tirer des argumens contre lui, j’ai fait une observation, peut-être assez futile, pour n’être que du ressort d’une femme, c’est que nous n’avons point d’auteur plus avare d’épithetes que J. J. Rousseau. Mais, Monsieur, pourquoi MM. Diderot, & l’Editeur Négeon s’étayent-ils de l’autorité de M. Helvétius? Est-ce une méchanceté? Est-ce une mal-adresse? S’ils ont été ses amis, ce que leur citation rende très-problématique, ils doivent être bien humiliés d’une certaine note que l’on trouve à la dix-septieme page des lettres de la Montagne.* [*Cette note est insérée dans la seconde lettre de ce recueil. Elle prouve plus en faveur de Jean-Jaques qu’un tome de raisonnemens. Je ne sais pour-quoi j’ai plaidé sa cause: pour la défendre, il ne faut que le montrer.] Quant à moi, je regrette l’opinion que j’avois de lui; c’est tout ce que je me permettrai d’en dire.
Tous les témoignages que l’équité peut rendre aux vertus de J. J, Rousseau, lui sont désormais inutiles, Monsieur; la providence l’a couvert d’une égide que les traits de la calomnie ne pénétreront pas. Cependant, je n’en crois pas moins devoir publier ce que je sais de lui & ce que je pense de ses [412] détracteurs: les raisons de cette opinion sont faciles à saisi.
J’ai l’honneur d’être,
MONSIEUR,
Votre très-humble & très-obéissante servante, D.L.M.
Le 13 Mars 1779
P. S. Je vous rends mille graces, Monsieur, d’avoir bien voulu me faire passer les remercîmens de Madame Rousseau, assurément elle ne m’en devoir point: aucun intérêt ne pouvoit accroître celui que son respectable mari étoit digne d’inspirer. Je me croirois autorisée à la remercier, si sa lettre avoit été assez détaillée, & avoit paru assez tôt, pour rendre la mienne inutile.* [*La lettre de Madame Rousseau dont il est ici question, se trouve dans le N°. 9 de l’Année littéraire 1779.] Il ne falloit pour cela, qu’avoir plus de confiance en elle-même; & moins en M. Pankouke, qui, à titre de rédacteur du Mercure, me paroît en mériter peu de sa part. Au surplus, Monsieur, quelque prix que la veuve de l’illustre Rousseau, puisse attacher au principe, & à l’effet, de ce que j’ai osé faire pour le venger, son étonnement surpasseroit de beaucoup sa reconnoissance, si elle savoit à qui elle vous a prié de l’exprimer.
FIN.